Parlement

Allocution de Frank-Walter Steinmeier :

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Membres de l’Assemblée fédérale, Messieurs les candidats à l’élection présidentielle, Mesdames, Messieurs, « vous me donnez du courage ! » : cet appel que m’a lancé une jeune femme, voici deux ans, a longtemps résonné en moi. Aujourd’hui, c’est à vous que je veux l’adresser.

De tout cœur, je vous remercie, vous, les membres de l’Assemblée fédérale, pour les encouragements que vous me prodiguez aujourd’hui alors que je me dirige vers la plus haute magistrature de notre pays. Votre choix me remplit d’une grande joie, et le grand respect que j’ai pour cette magistrature est intact.

Respect d’autant plus grand que M. Joachim Gauck est présent parmi nous : un Président fédéral qui a fait du bien à cette magistrature, et à notre pays, un Président qui plaide pour la liberté et qui incarne jusqu’au bout le bonheur de la liberté. Monsieur le Président, soyez-en profondément remercié, en mon nom et – j’en suis certain – en notre nom à tous.

(La très grande majorité des membres de l’Assemblée fédérale applaudit)

Je remercie tous ceux qui m’ont élu de leur confiance. À ceux qui ne m’ont pas soutenu, je fais une promesse : en témoignant du même respect pour tous les partis démocratiques, pour le gouvernement et l’opposition, pour les multiples voix qui s’expriment dans notre démocratie, je m’emploierai à gagner également votre confiance.

Mesdames et Messieurs, je sais que nous vivons une époque tourmentée. Beaucoup de personnes dans notre pays sont inquiètes. Le monde semble se désagréger – certains m’auront déjà entendu tenir ce discours. Mais beaucoup posent aussi cette question : quel est véritablement le liant qui maintient au fond la cohésion de notre société ? Et surtout, ils s’interrogent : est-ce que ce liant tiendra encore à l’avenir ? D’autres demandent : si le monde devient moins sûr et si notre pays est si étroitement associé à ce monde, qu’est-ce que cela signifiera pour notre sécurité, pour notre futur ? Ces préoccupations aussi, je les ressens dans notre pays, et je les prends au sérieux.

Mais, au cours de ces dernières années vécues en tant que ministre des Affaires étrangères, j’ai aussi fait une autre expérience : « Vous me donnez du courage ! » Ces mots étaient ceux d’une jeune femme en Tunisie, une militante engagée pour la démocratie et les droits de l’homme dans son pays. En disant cette phrase, elle ne me visait pas personnellement, ou ma délégation, mais elle pensait à notre pays, à l’Allemagne.

 

« Vous, les Allemands, vous me donnez du courage ! » : voilà ce qu’elle a dit.

 

Mesdames et Messieurs, n’est-il étonnant, n’est-il pas même admirable, que cette Allemagne, notre « lourde patrie », comme le disait Gustav Heinemann, soit devenue pour tant de personnes dans le monde une ancre d’espoir ?

(La très grande majorité des membres de l’Assemblée fédérale applaudit)

Nous donnons du courage à d’autres, non pas parce que tout va bien dans notre pays, mais parce que nous avons montré que les choses peuvent aller mieux, que la paix peut succéder aux guerres, que la réconciliation peut venir après la division, que la raison politique peut se substituer à la fureur des idéologies, et que nous avons réussi beaucoup de choses dans notre pays. Un jour nous rappelle tout cela, et ce jour, c’est celui de l’Assemblée fédérale.

Lorsque Theodor Heuss se présenta devant la première Assemblée fédérale, les femmes et les hommes d’Allemagne évacuaient les gravats de la guerre et de la dictature, ils construisaient pierre par pierre la République fédérale, une démocratie qui ne put à l’époque trouver un appui solide que sur les fondements de l’Occident. Mesdames et Messieurs, si aujourd’hui, ces fondements vacillent ailleurs, nous devons y être attachés d’autant plus solidement.

(La très grande majorité des membres de l’Assemblée fédérale applaudit)

Plus tard, lorsque Roman Herzog se présenta devant l’Assemblée fédérale, la réunification allemande était encore récente, un vent de renouveau soufflait à travers l’Allemagne ; mais à cette époque aussi, des craintes s’exprimaient face à ce nouvel avenir. Pourtant, notre société résista aux appels de ceux qui, alors déjà, jouaient avec le feu de la xénophobie et du ressentiment, et je suis certain que c’est ce que nous ferons également aujourd’hui.

(La très grande majorité des membres de l’Assemblée fédérale applaudit)

Lorsque Johannes Rau se tint à cette tribune, l’intervention dans les Balkans confronta l’Allemagne réunifiée à la prise de décisions difficiles dans sa politique étrangère et à une nouvelle responsabilité dans le monde, qui n’a cessé de croître jusqu’à nos jours, et que nous avons acceptée.

Mesdames et Messieurs, ensemble, nous avons surmonté beaucoup d’épreuves, et les temps n’étaient pas toujours faciles. Un regard sur le monde, et en particulier sur l’Europe nous apprend qu’aujourd’hui aussi est une époque difficile, mais c’est notre époque. C’est notre responsabilité. Et si nous voulons donner du courage aux autres, nous-mêmes avons besoin de courage.

 

Nous avons besoin du courage de dire ce qui est, et du courage de dire ce qui n’est pas. Nous devons nous poser à nous-mêmes l’exigence de distinguer les faits et les mensonges. Avoir confiance dans sa propre capacité de jugement est le fier privilège de tout citoyen, et le préalable de toute démocratie.

 

Nous avons besoin du courage d’être à l’écoute les uns des autres, nous devons être prêts à ne pas imposer à tout prix l’intérêt particulier, à ne pas voir la bataille pour trouver des solutions dans une démocratie comme une faiblesse ; nous devons avoir le courage de ne pas nier la réalité, mais de vouloir l’améliorer.

 

Et nous devons avoir le courage de préserver ce que nous avons. La liberté et la démocratie dans une Europe unie : ce fondement-là, nous voulons, nous devons le défendre ensemble. Ce fondement n’est pas invulnérable mais, j’en suis fermement convaincu, il est solide.

 

Non, nous ne vivons pas sur un nuage. Nous faisons partie d’un monde qui connaît des risques, et il existe des risques chez nous aussi. Mais, Mesdames et Messieurs, il y a peu d’autres endroits sur cette terre où il existe plus de chances que chez nous. Et pour qui, sinon pour nous, cela peut-il être un encouragement ?! C’est pourquoi je vous dis, chers compatriotes : soyons courageux ! Alors, quoi qu’il arrive, je n’aurai pas peur de l’avenir.

Merci beaucoup.

(La très grande majorité des membres de l’Assemblée fédérale applaudit longuement – La très grande majorité des personnes présentes se lève)

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