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Un plaidoyer pour une coopération franco-allemande plus intense

Le groupe de travail franco-allemand sur le Traité de l’Élysée s’est réuni le 17 mai 2018 au Bundestag allemand pour une audition publique de représentants de la société civile allemands et français. D’une durée de quatre heures trente, la réunion, présidée par M. Andreas Jung, député CDU/CSU, et par Mme Sabine Thillaye et M. Christophe Arend, tous deux députés de La République en Marche, a porté sur quatre thématiques principales : la politique extérieure, la culture, l’économie et l’énergie.

Un projet d’Accord parlementaire franco-allemand

Deux hommes et une femme

Andreas Jung, Sabine Thillaye et Christophe Arend, présidents de la réunion du groupe de travail franco-allemand (© DBT/Melde)

En s’appuyant sur l’expertise des différents représentants de groupements d’intérêts, les députés allemands et français souhaitent faire avancer le projet d’Accord parlementaire franco-allemand. À cette fin, le groupe de travail a été institué par le Bundestag allemand et l’Assemblée nationale le 22 janvier 2018, à l’occasion du 55e anniversaire de la signature du traité d’amitié franco-allemand (Traité de l’Élysée). Il se compose de neuf députés de chacune des deux assemblées.

La constitution de ce groupe de travail veut aussi souligner l’ambition des parlements à être parties prenantes dans les négociations gouvernementales sur un nouveau Traité de l’Élysée et à y impliquer la société civile.

« Coopérer plus étroitement en matière de sécurité et de défense »

Les experts invités à l’audition ont salué dans leurs interventions l’initiative du Bundestag et de l’Assemblée nationale visant à intensifier la coopération entre les deux pays, ainsi qu’entre les deux parlements. Dans leurs domaines de spécialité respectifs, ils ont illustré où et comment il était possible d’améliorer la coopération entre les deux pays, et ont formulé des propositions pour le nouveau Traité de l’Élysée.

Le Pr Hans Stark, de l’Institut français des relations internationales (lfri) et Claire Demesmay, directrice du programme « Relations franco-allemandes » de l’Institut allemand de politique étrangère, ont rappelé la nécessité d’étendre la coopération en matière de politique de sécurité et de défense. Jusqu’à présent, les échanges ont eu lieu seulement dans des enceintes séparées, par exemple entre militaires ou entre députés, explique Hans Stark. De plus, la coopération dans des domaines essentiels comme la planification des besoins militaires ou la défense territoriale est insuffisante.

« Un manque de coordination et de concertation »

« Il y a un manque de coordination et de concertation », a ajouté Hans Stark, déplorant l’absence d’une culture stratégique commune des deux pays. Des structures nationales parallèles continuent en revanche d’exister. Afin d’atteindre une meilleure convergence, qui est nécessaire, il faudrait utiliser les institutions existantes et relancer des organes tombés en sommeil plutôt que d’en créer de nouveaux.

Claire Demesmay a rappelé combien le Traité de l’Élysée de 1963 avait permis avant tout que les Allemands et les Français se parlent à nouveau après la guerre. Le nouveau traité ne peut cependant laisser les choses en l’état, il doit tenir compte du développement des relations bilatérales.

« Rapprocher les processus de décision »

Aujourd’hui, l’enjeu est d’harmoniser l’action politique des deux pays, et d’atteindre le plus haut degré possible de convergence entre Berlin et Paris, y compris en politique étrangère. Il convient d’analyser ensemble les défis et les risques dans le monde. Cependant, il ne suffit plus d’affirmer simplement des positions différentes, selon Claire Demesmay. Il faut aussi se résoudre à rapprocher les processus de décision, et même à prendre des décisions communes, y compris sur des sujets inconfortables.

S’il est un champ d’action dans lequel l’Allemagne et la France devraient aller de l’avant, c’est celui de la politique de la migration, selon le Pr Thomas K. Bauer, président du Conseil d’experts des fondations allemandes pour l’intégration et la migration, qui plaide pour que Berlin et Paris s’engagent pour une politique de la migration coordonnée à l’échelle mondiale.

« Une bonne coordination dans la coopération au développement »

Karin Kortmann, directrice de la représentation à Berlin de la Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ – Coopération au développement allemande), a mis en avant les efforts internationaux déployés pour stabiliser politiquement le Mali et développer son économie, comme un exemple déjà existant d’action en réseau des institutions. Les organisations allemandes et françaises de la coopération au développement ont déjà des échanges réguliers, tant sur le terrain que de manière plus générale, dans le cadre de l’UE. Les initiatives franco-allemandes ont joué un rôle décisif dans la coopération au développement européenne, et la bonne collaboration sur le terrain accroît l’efficacité des mesures, selon Karin Kortmann.

Enfin, la coopération franco-allemande est riche de son expérience dans le domaine des échanges entre jeunes, a ajouté Karin Kortmann, qui a plaidé pour que le savoir-faire de l’Office franco-allemand pour la jeunesse soit transposé aux échanges entre jeunes entre l’Afrique et l’Europe.

Autres sujets de coopération

Outre la politique extérieure, de défense et du développement, le groupe de travail s’est également penché sur les sujets de la migration et de l’intégration lors de sa réunion à Berlin. Un deuxième bloc thématique a été consacré à la jeunesse, la formation, les langues, la culture et les jumelages. Dans la troisième et la quatrième parties de l’audition, les députés ont écouté des experts de l’économie, de la politique sociale et de l’innovation, ainsi que de l’énergie, de la protection du climat et du développement durable.

Les jumelages et les échanges de jeunes restent le symbole par excellence de la coopération franco-allemande, et il a été rappelé maintes fois durant l’audition combien ils sont un exemple et une source d’expérience pour les nouveaux domaines de coopération. Les intervenants ont également été d’accord sur le fait que l’institution et la tradition du jumelage ont également besoin de renouvellement.

« Le potentiel des jumelages est énorme »

Les jumelages entre villes conservent un « potentiel énorme » pour l’approfondissement de la coopération franco-allemande, a affirmé le Pr Frank Baasner, directeur du Deutsch-Französisches Institut (DFI). Le phénomène du jumelage s’étend sur tout le territoire, en incluant également la ruralité, et il touche l’ensemble des classes d’âge. Et même au-delà des vagues initiales des années soixante et soixante-dix, durant lesquelles d’innombrables jumelages ont vu le jour, on en voit de nouveaux se créer aujourd’hui encore. 

Cette institution riche en traditions de l’entente entre les peuples doit être préservée du vieillissement, et il faut donner plus de visibilité à ces partenariats bilatéraux, y compris en tant que réseau, doté de sa propre plateforme ; le nouveau Traité de l’Élysée doit mentionner les jumelages comme un instrument de collaboration.

« Améliorer les moyens des échanges entre jeunes »

Markus Ingenlath, secrétaire général de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) a également souligné le potentiel des échanges entre jeunes. Chaque année, l’OFAJ rend possibles 120 000 échanges entre les deux pays. Il connaît à présent une longue tradition, et dispose d’une vaste expérience. Cependant, il est nécessaire d’améliorer les conditions-cadres des échanges entre jeunes, selon Markus Ingenlath, qui explique que l’on doit aussi dépasser les délimitations de compétences entre les différents acteurs si l’on veut une coopération systématique. De plus, la dotation financière des échanges doit encore être améliorée. « Nous voulons densifier encore le maillage entre les deux pays. »

Différents experts ont souligné l’importance de l’échange entre les jeunes et celle des connaissances linguistiques pour les relations entre les deux pays. Les deux vont ensemble : « L’échange doit devenir une partie intégrante de l’acquisition de la langue », a souligné Markus Ingenlath. Il existe encore cependant trop peu de cours de langues, dans les écoles comme dans les instituts professionnels.

« Ancrer les coopérations entre universités »

Pour le Pr Olivier Mentz, vice-président de l’Université franco-allemande (UFA), cette dernière est aussi tributaire de l’existence d’un nombre suffisant d’étudiants qui maîtrisent les deux langues. Pour l’Université franco-allemande, en place depuis vingt ans, et qui propose désormais 182 cursus d’études binationaux, avec double diplôme, il est important d’améliorer non seulement les conditions-cadres de l’acquisition des langues, mais aussi les perspectives sur le marché du travail des double-diplômés. Grâce à différents projets pilotes, il y a déjà un travail pour une meilleure reconnaissance de ces diplômés, affirme Olivier Mentz, qui souhaite que le monde politique mette en avant et ancre les coopérations entre universités dans le nouveau traité, en tant qu’instrument-clé de la coopération franco-allemande.

Olivier Mentz a aussi appelé expressément de ses vœux le soutien aux coopérations entre universités également au-delà des régions directement frontalières. Il juge en revanche moins judicieuse la création de nouvelles structures parallèles ou de plateformes Internet comme une panacée des échanges franco-allemands. Une coopération approfondie requiert selon lui des lieux réels de rencontre et du personnel réel, mais aussi des efforts financiers considérables.

« Soulager financièrement le bénévolat »

Margarethe Mehdorn, présidente de la Vereinigung Deutsch-Französischer Gesellschaften für Europa e.V. (VDFG), pendant allemand de la Fédération des Associations franco-allemandes pour l’Europe (FAFA), a souligné les efforts immenses accomplis depuis 60 ans déjà par le plus grand réseau bénévole de la société civile pour l’entente entre les personnes, et les limites auxquelles font face les associations d’utilité publique dans la charge qui est la leur. Environ 40 000 personnes dans les deux pays font partie d’organisations membres de la fédération. 

Afin d’aider financièrement le bénévolat et de lui conférer une plus grande visibilité dans l’opinion publique, Margarethe Mehdorn propose de créer une structure d’organisation et une plateforme similaires à celles de l’OFAJ. La bonne volonté et la disponibilité à s’investir ne sont plus suffisantes aujourd’hui. Les parlements ont l’obligation de soutenir également sur le plan financier cet engagement citoyen si souvent invoqué et d’élargir en conséquence les possibilités de soutien dans le contexte franco-allemand.

Prochaines réunions en 2018

Le groupe de travail franco-allemand sur le Traité de l’Élysée s’est réuni pour la première fois le 11 avril 2018, à Paris, et souhaite se réunir régulièrement durant l’année 2018, alternativement en Allemagne et en France. 

De nouvelles réunions sont prévues le 20 juin à l’Assemblée nationale, à Paris, les 12 et 13 juillet à Strasbourg, et les 13 et 14 septembre à Berlin. Ses travaux doivent être clôturés avant le 22 janvier 2019, pour le 56e anniversaire du Traité de l’Élysée. (ll/17.05.2018)


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